Dérangement et panique [PV Astel]

Il faisait beau. Le soleil m’éblouit lorsque je sortis de mon antre. Cela me changeait de la grisaille de ces derniers jours. Je fis quelques pas dans l’herbe humide, savourant les chatouillis sur la plante de mes pieds. C’était un temps idéal pour se baigner. Je souris à cette pensée et courus à l’intérieur pour chercher mes affaires. Ma maison était un fatras incroyable et fouiller dedans me fit perdre un temps précieux. Je devais aller chasser par la suite. Je pris donc quelques affaires afin d’enchainer directement avec cette activité.

Une fois équipée, je descendis en chantonnant – pas très bien d’ailleurs- à la source chaude qui se trouvait à quelques kilomètres de chez moi. Une fois là-bas j’écartais les feuilles pour laisser entrevoir un bassin d’eau fumante. Je déposais mes affaires sur la pierre humide et chaude avant de me déshabiller. je les humais en fronçant le nez. Il allait falloir que je lave mes vêtements aussi.

Je frissonnais lorsque mon orteil se plongea dans l’eau. Je me glissais avec délice dans le bain, savourant la douce vapeur m’enveloppant. Je fis quelques brasses avant de m’accouder à la pierre en chantant encore.
Soudain, je tournais la tête. Un cerf venait de passer en trombe. Son pas m’indiqua qu’il était affolé. Un bruissement de feuilles me mit en alerte. Quelque chose ou quelqu’un approchait. Priant que ce soit un animal, je saisis rapidement mon couteau posé à côté de la source et fit volte-face, sur la défensive. L’intrus venait d’entrer dans l’écrin de verdure qui entourait le bassin. Un humain ! L’angoisse me prit à la gorge. Etait-ce pour me ramener ? Etait-il hostile ? Comment allais-je pouvoir me défendre. Je le regardais et la panique m’envahit. Il était armé, et ne ressemblait pas à quelqu’un qu’on peut tuer facilement. Il me regardait moi, debout, nue, avec pour seule arme un couteau. Je me reculais précipitamment au milieu de la source. Je pouvais toujours m’envoler… Malheureusement, je n’avais plus utilisé mes ailes depuis si longtemps… Dans tous les cas, je me trouvais dans une impasse. Le but c’était maintenant de gagner du temps pour trouver un moyen de s’échapper. Le cœur battant à la chamade et la gorge sèche, j’essayais de reprendre contenance et lui demandait d’une voix que j’aurai voulu assurée :

« Qui êtes-vous ? »

Ma voix semblait plutôt venir d’une jeune fille apeurée. Ce que j’étais en l’occurrence. Je maudissais une fois de plus ma timidité.

J'avais eu beau tenter par tous les moyens rappeler aux habitants de ce village que je n'étais qu'un médecin, il leur avait été impossible d'entendre raison. Ma grande épée et mes façons les avaient définitivement convaincus que j'étais un aventurier tueur de monstres, et ça tombait bien, il y avait dans la région un monstre qui les inquiétait.
Je me retrouvais donc ainsi à crapahuter dans les collines, cherchant des traces de cette créature qui hantait les lieux, décimait leurs troupeaux et venait gratter à leur fenêtre la nuit. J'espérais secrètement qu'il ne s'agissait que d'une grosse bête sauvage, comme un sanglier, ou à la limite un loup, mais depuis mon arrivée dans ces contrées j'avais appris à ne plus me laisser surprendre. J'avançais à pas prudents, et regrettais fortement que les jeunes hommes du village aient été trop effrayés pour me servir de guide.

Je voyais au lointain monter une fumée, ou de la vapeur, phénomène peu courant dans un endroit dénué de toute habitation. Commençant à craindre que je ne me sois lancé les bras ballants sur la  piste d'une vouivre, ou pire encore d'une manticore, je décidais d'aller repérer les lieux prudemment. Mal m'en pris car je n'étais clairement plus habitué à évoluer en milieu sauvage, et un cerf eut tôt fait de m'entendre et de déguerpir précisément dans la direction que je voulais inspecter. Avançant en silence, j’eus la surprise de me retrouver nez à nez avec une jeune femme nue, se baignant dans une source d'eau visiblement fumante de sorcellerie. Visiblement dérangée par ma présence, elle se saisit vivement d'un couteau et me lança d'une voix lourde de sous-entendu :

"Qui êtes-vous ?"

Ne voulant pas la brusquer, et sentant clairement que ma présence en ce lieu était inappropriée, je levais une main en signe d'apaisement.

"Excusez-moi, je m'appelle Astel. Je suis à la recherche d'un monstre qui terrorise la région, connaissez-vous ces collines ?"

Je le regardais avec une drôle de moue. Il ne semblait pas hostile. Enfin, jusqu’au moment où il m’a dit chercher un monstre. Je sentis mon instinct animal se réveiller. Si j’avais été un chat, j’aurai feulé. Etait-ce moi le monstre ? Je me sentis blessée. En effet, je n’avais rien fait de mal. Rare était ceux qui m’avaient vu un jour. Et quand même, je n’avais pas le profil d’un monstre ! Je me contentais de rester sur mon territoire et de chasser. Il y avait assez de gibier pour tout le monde !

Je scrutais le visage de mon ennemi potentiel. Oubliant totalement ma nudité, je me concentrais uniquement sur mon moyen de fuir. Il était évident que cet homme n’avait pas encore compris que le pseudo-monstre, c’était moi. Je plongeais mes mains griffues dans l’eau pour qu’il ne les voit pas. J’aurai voulu savoir comment séduire un homme pour abuser de sa confiance, mais cette attitude m’était inconnue. Un avantage, j’étais dans l’eau, mon élément. J’ouvris les mains dans l’eau et sentit mon pouvoir passer dans mes veines. Je souris légèrement. Au moins je pouvais me servir de ça. Je regardais le dénommé Astel, hésitante. Comment faire… je n’avais jamais utilisé mon pouvoir sur un homme. Je ne souhaitais pas le tuer ce qui ne semblait pas réciproque, soit dit en passant. Pas une fois le fait de nier savoir ce qu'il cherchait ne m’effleura l’esprit.

J’optais pour la décision "fuite". Je tentais d’amener le flux de pouvoir vers mon dos. Ma colonne vertébrale vibra et mes omoplates se mirent à chauffer. Je regardais vers le ciel. Petit à petit je m’élevais dans les airs Une fois à une hauteur acceptable, je tentais de partir rapidement par-dessus les arbres. Je regardais en dessous fière de moi. Soudain une vague de froid me traversa. *Oh non… Non…* Je zigzaguais quelques mètres avant de hurler.

« AAAAAAAAAAHHHHHHHHHHHH !!!!! »

BRAAAF. Je tombais sur le sol, les feuilles des arbres me griffant au passage. Les feuilles amortirent ma chute.  Je gémis un peu. Il allait falloir que j’attende que ma régénération soit complète. Ma jambe avait en effet pris un angle étrange. Je pâlis en la voyant.

D'accord, je veux bien l'admettre, j'ai eu à assister à des phénomènes surprenants depuis mon arrivée dans cette contrée. Les habitants de ce pays semblaient tous disposer de traits ou aptitudes singuliers, provoquant parfois des situations inattendues.
Mais c'était la première fois que je voyais une femme nue s'élever à la verticale au-dessus d'un plan d'eau. Chassant de mon esprit certaines pensées que m'inspiraient une pareille vision, je restais néanmoins bouche bée pendant que cette inconnue ~ à première vue un esprit de la forêt ou des collines ~ disparaissait au-dessus des cimes.

Pensant avoir vexé cette belle naïade, je m'apprêtais à repartir de mon coté, lorsque j'entendis un cri

« AAAAAAAAAAHHHHHHHHHHHH !!!!! »

Mon sang ne fit qu'un tour. Je couru dans la direction du cri, jusqu'à apercevoir la jeune femme au sol, visiblement blessée. Le monstre avait du s'en prendre à elle pendant qu'elle survolait les arbres. La voyant désemparée et pâle, je m'approchais d'elle doucement, scrutant le ciel, craignant que la créature n'attaque une seconde fois.

Je tentais de me relever. En vain. Ma jambe me faisait trop mal. Je me trainais misérablement dans les feuilles. Je ne m’étais pas assez éloignée pour être hors de danger. Je commençais en plus à avoir froid. L’eau ruisselait de mes cheveux mouillés et gouttait le long de mon corps nu. Je tremblais. J’entendis un bruit. C’était le pas lourd de l’être humain. Je fouillais du regard la végétation. Avant de regarder autour de moi affolée.
*Une cachette, je dois trouver une cachette*
Trop tard. L’homme grand, blond et armé se dirigea droit sur moi. Avait-il compris que j’étais le monstre ? Je poussais un cri horrifié en essayant de reculer. Mais la douleur de ma jambe était telle que je renonçais très vite.

«  ne m’approchez pas » criai-je avec plus de peur que de colère.

Il n’avait pas vraiment l’air méchant ni même agressif. Mais cela ne voulait rien dire. On m’avait souvent dit de ne jamais me fier aux apparences. Et en plus il restait un humain. Enfin, apparemment il n’était de ma race. Je ne savais pas si je devais m’en réjouir ou pas.
Que faire. Il ne me donnait plus le choix. J’allais devoir le menacer sérieusement. Je me relevais à demi et levais la main.

« N’approchez plus ou je vous blesse »

Je sentis mes veines bouillir. Je visais juste à côté de son visage, assez près pour lui faire peur, mais trop loin pour le toucher. Une boule de glace hérissée de pics jaillit de ma main et frappa juste derrière lui. Je sentis mon bras trembler. Le monde se mit à tourner autour de moi.
*Je crois que je n’ai vraiment pas de chance aujourd’hui* pensais-je avant de retomber inanimée sur le sol.