Premiers gribouillis
Le bonheur n’est pas une image, ce n’est pas non plus un état d’esprit. C’est une réalité…Ou un mensonge.
Un temps, j’ai cru à mon bonheur.
Comment ai-je pu être aussi naïve ?
L’enfance se teinte peu à peu de couleurs aux reflets de l’oubli, c’est inéluctable. Comme on oublie le jour de sa naissance et nos premiers instants en ce monde, l’enfance devrait, elle aussi, disparaitre sous cette couche presque bénéfique, n’est-ce pas ? En ce cas, je me demande encore pourquoi ces souvenirs dont j’aimerais me débarrasser à jamais me hantent encore.
Parfois, lorsque je ferme les yeux pour me souvenir d’un visage ou d’un paysage parmi les nombreux rencontrés durant ma trop longue existence, c’est eux que je revois. Ceux qui m’ont donné la vie, et celui qui fût leur premier enfant, et inéluctablement mon grand frère. Roderich. Mais lui était l’exception ; à l’heure d’aujourd’hui, j’ignore encore s’il était véritablement attaché à moi ou s’il n’avait cure de ce qui pouvait arriver, comme nos parents. Et, je ne peux le nier, même si j’ai haïs mes parents dès l’instant ou mon monde a basculé, j’ai toujours été attaché à celui sur qui je tentais de prendre exemple. Lui ne m’avait jamais trahie. Lui ne m’avait jamais abandonnée. Lui me manquait horriblement. Et c’était bien le seul.
Les larmes aux joues, j’ai peint de nombreuses toiles de mon enfance. Elles se résumaient à ce que nous avions fait ensemble, lui et moi. Lorsqu’il tentait de m’apprendre à marcher, ou quelques jeux auxquels nous nous adonnions tous les deux. C’était très peu de choses, au final. Mais juste assez pour que je ne l’oublie pas, et dans le fond peut-être était-ce tout ce qui comptait pour moi. Il m’est arrivé de peindre une fois son mariage, également. Mais ceci est une autre histoire sur laquelle je reviendrais probablement plus tard.
Quoi qu’il en soit, j’ai brûlé toutes ces toiles. Parce qu’il était simplement hors de question qu’un autre que moi puisse contempler mon passé de cette façon.
Et en particulier les brides de mon passé que je déteste plus que tout. Ce qui me dégoute lorsque j’y resonge. Ce qui me donne la nausée alors qu’il me semble entendre des éclats de rire me rattrapant d’un lointain passé. Tous ces moments passés avec mes parents. Les petits moments complices comme les inéluctables rappels à l’ordre. Et finalement, ce jour. Si tout me semble flou, bien que présent, leurs visages à chacun me reste en détails. Leurs expressions en cet instant…Et la façon dont tout s’est déroulé. J’aurais préféré oublier, cela m’aurait épargné bien des souffrances et des larmes. Mais non. Lorsque j’y resonge, je me rappelle absolument de tout. Dans le moindre détail.
C’est ainsi que je l’ai appris. Les hommes sont cruels, et surtout, ils sont égoïstes. Bien plus que je ne l’aurais cru possible.
Un temps, j’ai vraiment cru à mon bonheur.
Mais il n’était rien de plus qu’un immense mensonge, finalement.
U.C